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LA CONJURATION D'UNE IMBECILE
21 novembre 2009

Les vieux ne meurent pas, il s'endorment un jour et dorment trop longtemps

Voici la dernière campagne de pub Findus

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Bon, déjà, les surgelés c'est dégueulasse nous sommes d'accord sur ce point. (Moi et mon ami le lapin imaginaire si vous vous demandez qui est ce nous).

Au delà de cette évidence qui rend leur effet caduque, cette campagne me dégoute. Oui les visuels rétros et léchés sont très jolis, les petits ont de bonnes petites bouilles (sauf la petite fille qui n'aurait pas fait tâche dans Le Ruban Blanc de Haneke) mais franchement on est dans le mauvais goût et le cynisme totalement assumés, sous couvert d'humour, et moi ça me dérange. Alors qu'on parle enfin du scandale des maisons de retraite, on voit ce genre de répliques affichées au vu de tous. Je ne me lasse pas des commentaires que l'on trouve sur les blogs de pubards et autres marketeux:

"Campagne print pour Findus bien faite, basée sur une belle situation de vécue qui donne une tonalite décalée et humoristique." --> Passons sur le côté truffé de fautes... "une belle situation de vécu", bravo, c'est vrai que toutes les grands-mères passent leur temps à pincer les grosses joues de leurs petits enfants. T'avais qu'à moins manger de frites ducon.

La vérité ? C'est qu'on n'a plus le temps, les mamies préfèrent s'éclater avec les papis et partir en voyage au bout du monde, et puis les mamans, ça ne sait pas cuisiner. Alors "Heureusement il y'a Findus, Findus !". Les visuels sont extras, fallait y penser. Bien joué Findus. --> Sauf que tout le monde n'a pas les moyens de se payer des croisières une fois venue la retraite et y'en a qui finissent seuls avec une retraite misérable,  pauv'truffe.

Les frites de Grand-mère, mais sans les inconvénients de la grand-mère. Une campagne pour Findus créée par l’agence parisienne Grey. J’adore ! --> C'est quoi les inconvénients de la grand-mère, j'aimerais qu'on m'explique. On peut aussi se débarasser de nos parents en bouffant des pizza hut pourquoi pas, c'est vrai parfois on doit leur faire la conversation à table, non mais quelle horreur.

Les gens me font peur parfois. On voit là un manque total de réflexion, ce que j'espère, ou bien un individualisme vraiment gerbant, ce qui est aussi fort probable. Les vieux ont mauvaise presse depuis pas mal d'années. En fait les vieux n'existent pas. A la télé, on n'en voit pas (ou bien leurs cheveux sont teints, leurs rides planquées sous des couches épaisses de maquillage et ils pratiquent assidument le vélo pour se maintenir en forme). Bon, dans les rues,  je ne peux pas dire que je n'en vois pas, j'habite à Nice, ce serait moyennement crédible mais dans l'espace médiatique, ça craint pour de bon d'être un vieux. Le vieux est chiant, il ressasse sans arrêt ses vieilles histoires de guerre, il nous force à regarder Julien Lepers et à jouer au Scrabble. On n'a pas que ça à faire non? Les vieux nous dérangent car à l'inverse de nous, ils ne courent plus.

Le problème, c'est que le vieux il faut bien le dire a été un jeune, et que les jeunes que nous sommes aujourd'hui seront un jour des petits vieux rabougris. Je déteste donner l'impression d'être moralisatrice, ce que l'on peut souvent croire mais ce que je ne pense pas être fondamentalement.

Tout cela me gêne quand même. Les vieux sont parfois considérés, oui, comme des segments marketing prometteurs, les seniors, le 4ème âge, le vieux a souvent de la thune à dépenser, ne le laissons pas s'ennuyer ce serait trop bête. Mais non pffff je veux pas dire que les petits-enfants doivent y aller, ils doivent aller checker leurs profils sur facebook faut pas abuser. Nan, il doit consommer quoi. On lui a même créée une télé spécialement dédiée à ses centres d'interêt présumés. Vous voyez qu'on ne les oublie pas totalement. Et Mamie-Nova, le café grand-mère, c'est bien la preuve qu'on y pense non? Oui le consommateur a un grand besoin de nostalgie...qu'il va retrouver dans la bouffe ou le café industriels, oui ça se tient pourquoi pas.

Moi et les vieux, ça a commencé tôt. Dans ma résidence, c'est un peu eux qui décidaient de tout. Si on pouvait marcher sur l'herbe, traîner dans le jardin après 20h, mettre la musique un peu fort, laisser le chien aboyer ou pas. Il y avait monsieur M., la terreur des bambins que nous étions. Nos parents le détestaient et nous on prenait un malin plaisir à le rendre fou. On écrivait des trucs sur sa boîte aux lettres, on lui faisait des appels anonymes et on se gardait bien de ramasser les crottes de nos chiens. Lui, il s'était vengé un jour en tapissant notre porte d'entrée d'excréments de feu-mon chien, ce que mes parents avaient trouvé un poil trop audacieux. Y'avait aussi monsieur E., lui c'est les scooters (dites scoutère) qu'il supportait pas. Du haut de ses 80 ans, il avait même mis un coup de boule à un ado qui le narguait sous ses fenêtres. Ca avait fait scandale dans le batiment C (même si le pauvre pépé s'était retrouvé au tapis, l'adolescent étant assez réactif parfois). Ca c'était les méchants, enfin on les aimait bien quand mêmes (qu'est ce qu'on aurait fait sans eux? Aurais-je été chef de la résidence?)

Et puis il y avait aussi les gentils (j'ai l'impression d'être la scénariste du sketch des power rangers).

Madame M. (pas la femme du méchant scatophile), la pauvre était flanquée d'un mari à la main un peu trop leste, elle m'invitait toujours chez elle pour me filer des bonbecs que ses petits-enfants ne venaient pas manger. Il y avait aussi Monsieur G., celui là je l'aimais pas, on le soupçonnait d'avoir tué le petit chat de mon copain B. en l'empoisonnant. Madame P., qui incarnait la tristesse mieux que personne mais dont le petit fils venait malgré tout passer les vacances chez elle et qu'on observait aux jumelles pendant qu'il prenait sa douche. 

Et puis le week-end, il y avait les vrais de vrais, mes grands-parents. C'est elle qui tous les dimanches me préparait une petite tarte aux pommes en me sermonnant invariablement d'un "mais bien bâtie comme tu es, tu devrais faire du sport quand même!" (remarque totalement fantaisiste et hors de propos je dois le dire). C'est chez eux que j'ai découvert le cinéma grâce à Canal + qu'on n'avait pas à la maison, pauvre papy qui a dû supporter, rongeant son frein, toutes les rediffusions des 4 filles du docteur March. C'est eux, qui m'ont fait la plus belle surprise de ma vie en m'accueillant un été avec une petite boule de poils dans les mains. C'est lui, ce type franchement grincheux mais dont les yeux disaient bien plus que ses grognements, qui est parti trop tôt. Je le connais un peu mieux en regardant les vidéos qu'il me reste. C'est elle, malade mais vaillante, parfois trop dure, parfois injuste, mais sans qui ma vie aurait été du tout au tout différente. C'est sa bienveillance, ses précautions constantes, sa présence, solide, qui font que j'en suis là. Ca et bien d'autres choses évidemment.

Comment dès lors, imaginer mettre en maison de retraite des êtres qui font partie de nous depuis toujours, qui nous ont aimé sans jamais compter, qui nous ont "fait". Ce ne serait pas à moi de décider pour ma grand-mère mais à ses filles. Mais je pense à ma mère, loin d'être à cet âge évidemment mais plus tard. Si un jour elle tombe malade? Moi à Paris, si je vis dans une petite surface? Si mon mari ne l'aime pas? Si je n'ai pas le temps? Si je ne suis pas riche? Il y a toujours 50 000 raisons pour ne pas s'occuper de ses parents quand c'est à leur tour d'avoir besoin de nous. Dans les sociétés orientales, les maisons de retraite ne sont pas une option, les vieux font partie du pack familial. Je ne suis pas en train de dire qu'en tant que sainte, je ne me pose pas la question. J'imagine combien cela doit être dur de voir sa vie chamboulée du jour au lendemain, de voir des générations qui ne devraient pas, cohabiter ensemble. Ce doit être extrêmement dur et parfois peut-être même impossible. Mais est-ce qu'on imagine que nos parents aient pu nous envoyer à l'hospice du coin quand on était malade? Une famille ça marche dans tous les sens non? C'est un vaste débat auquel je pense souvent. Je ne sais pas ce que je ferais à la place de ces gens qui placent leurs parents. J'espère être digne de l'amour que ma mère m'a toujours donné.

Pour en revenir à la situation présente, quand je vais voir ma grand-mère, je ne m'ennuie jamais. Bien sûr, j'ai de la chance, j'ai une mamie qui a encore toute sa tête, qui est jeune d'esprit, avec qui je peux rire et qui habite dans un bel endroit où il est bon de venir se reposer quelques jours. Je sais que tout le monde n'a pas cette chance et je ne sais pas ce que je ferais si la situation était différente, si ma grand-mère n'était pas une femme sympathique. Les choses sont comme elles sont et pour moi elle n'est pas qu'une vieille. J'aime quand elle me raconte sa jeunesse, celle des autres, les petites anecdotes qu'elle revit au fil de son récit. Les vieux sont comme des livres d'histoire(s) , interactifs avec ça, qu'on ne vienne pas dire qu'ils ne sont pas modernes. On ne fait rien par pur altruisme, je le sais bien. Quand je vais voir ma grand- tante, dont la mémoire se rembobine toutes les 5 minutes, bien sûr que je me dis aussi que je fais quelque chose de bien, que je me sens meilleure qu'en me faisant un n-ième ciné. Mais on s'en fout non? Je l'aime bien, et ça lui fait tellement plaisir de voir qu'on pense encore à  elle. Je me dis aussi, que je n'aimerais pas finir toute seule à regarder couler la sablier, oui c'est vrai. Mais parfois au delà de ces petits égoïsmes, ça fait du bien de s'arrêter un peu avec eux. On passe notre vie à aller vite (bon, pas moi en ce moment ça c'est sûr mais globalement n'est ce pas), et pourtant on ne veut surtout pas penser qu'au bout ce qui nous attend tous, c'est la vieillesse. Je ne sais pas si je vieillis, comme je vieillirai, si je vivrai bien les rides, la force qui s'en va, tout ça. Ce sera sûrement horrible étant donné l'obsession que je porte à mon physique. Je pense que l'essentiel n'est pas là, c'est ce qu'on fait maintenant qui portera à conséquence ou pas dans quelques années.

Ce post est sponsorisé par les jeunesses chrétiennes et Michel Drucker(...)

Ah oui, je cherche un emploi dans le marketing  mais pas chez findus.

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Commentaires
L
Bravo cela dit pour le titre :)<br /> C'est pour moi une des plus belles chansons à texte.
LA CONJURATION D'UNE IMBECILE
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